Les Origines Anciennes

WIEGERICH

La famille des comtes de Salm est issue de l’ancienne noblesse lotharingienne représentée par des membres au service des souverains Francs et Saxons. Elle apparaît dès 899 avec le comte Wigerich qui fréquente la cour de Zwentibold, dernier roi de Lotharingie. A la mort de ce roi en 900, il passa au service Charles III le Simple dont il épousa vers 907 la nièce, Kunigunde de Hennegau. Il porta successivement les titres de comte de Trèves (Trier), comte d’Ardennes et vers 916 celui de comte Palatin de Lorraine.

SIGFRIED

Sous le règne de Othon le Grand qui vaincu les Hongrois en 955, Sigfried, l’un des fils de Wigerich, échangea avec l’abbaye St Maximus de Trèves des portions de territoire dans le but d’édifier au lieu–dit Lucilinburhuc un Château et une agglomération dont il adopta le nom (963). Il fut ainsi le premier à porter le titre de comte de Luxembourg.

Charte de fondation de Luxembourg, vers 963

Charte de fondation de Luxembourg, vers 963

La Dynastie De Salm–Ardennes

GISELBERT

Lorsque Giselbert, petits fils cadet de Friederich, eut atteint sa majorité (première moitié du XIe siècle), son père lui attribua un territoire situé au nord des Ardennes. Ces terres auraient été acquises par Sigfrid vers la fin du Xe siècle contre la puissante abbaye de Stavelot qui les convoitait. Les limites du territoire touchaient non seulement ceux de la puissante abbaye de Stavelot, mais étaient également proches de la ville épiscopale de Liège (Liuk) et de la ville impériale d’Aix–la–Chapelle (Aachen). Il prit le nom de la rivière Salm et devint le fondateur d’une nouvelle dynastie, sans pour autant résider sur le territoire de son comté (le Château de Vielsalm a été construit plus tardivement vers 1150).
La famille des Luxembourg–Salm représente au Xe siècle un clan dont les membres règnent bien au–delà de la Lotharingie, de Metz à Anvers, de Reims à Cologne. Les principaux membres accompagnent les souverains à la cours comme lors de leurs expéditions militaires.

Salm–château, Belgique

Salm–château, Belgique

HERMANN IER DE SALM

Son deuxième fils, Hermann Ier de Salm, devint le plus puissant membre de toute l’histoire de la famille de Salm. Chef de guerre sollicité et soutenu par les saxons, des souabes et une partie du clergé, Hermann Ier fut élu anti–roi de Germanie le 26 décembre 1081 à Goslar en Saxe contre le roi Henri IV de la dynastie des franconiens.
Le pays, alors plongé en pleine crise politique, voyait s’affronter pour des raisons dynastiques les tenants du pouvoir, saxons contre franconiens. Le conflit éclata à nouveau violemment lorsque la papauté exigea l’indépendance unilatérale du clergé à l’égard de l’autorité temporelle (la querelle des investitures). Profitant de l’absence du roi parti à la rencontre du pape en Italie, ses ennemis en profitèrent pour reprendre les hostilités.
Aidé par ses puissants alliés et par la famille de Luxembourg, il lutta victorieusement contre l’armée impériale une dernière fois à Bleichfeld en 1086 près de Würzburg. Mais lorsque Henri – porteur de la dignité impériale et en vainqueur du pape Grégoire VII – revint d’Italie, Hermann perdit rapidement son influence auprès de ses anciens alliés. N’étant plus en mesure d’affronter l’empereur, il n’eut pas d’autres choix que de se retirer sur ses terres. Il trouva la mort en 1088, fauché par une pierre, alors qu’il assiégeait le Château de Kochem sur les bords de la Moselle et fut enseveli dans la cathédrale de Metz.

Sceau de Hermann 1er de Salm, anti–roi de Germanie (sources : Archiv Verlag)

Sceau de Hermann 1er de Salm, anti–roi de Germanie
(sources : Archiv Verlag)

Il est vraisemblable qu’à la suite de cet échec politique, les Salm et les Luxembourg payèrent momentanément leur rébellion avant de réapparaître bien vite à la cour à la suite des autres dignitaires de l’empire. Leur autorité continua de s’exercer dans le cadre de leurs fiefs respectifs mais aussi vers le plat pays Lorrain où Hermann Ier avait acquis des biens, notamment autour de Metz.

La Dynastie De Salm–Lorraine

HERMANN II DE SALM

Son fils, Hermann II, obtint, peut–être déjà de son père, l’avouerie de l’abbaye de Senones (Herimannus comes et advocatus Senoniensis en 1126) qui lui fut confirmée par l’évêque de Metz, un proche parent. Mais ce fut son mariage avec Agnès, de la famille des comtes de Bar et veuve du comte de Langstein, qui constitua concrètement le point d’ancrage de la famille aux pieds des Vosges. Ce mariage le mit en possession de la forteresse de Pierre Percée dont dépendait un territoire étendu englobant la ville de Badonviller, puis plus tard de Blâmont.
Comme son père, Hermann II était un chef militaire qui n’hésitait pas à guerroyer pour élargir ses domaines et étendre son autorité. Dans ses efforts de domination qu’il dirigea contre son beau–père, le comte de Bar, et pour distendre ses liens d’inféodation qui le liait à l’évêque de Metz Etienne de Bar, l’une des plus puissantes dynasties de Lorraine, il s’allia contre eux avec le duc de Lorraine. Malheureusement pour lui, le duc se réconcilia en 1135 et l’évêque parvint l’année suivante à conquérir le Château de Pierre Percée après un siège de plus d’un an, au cours duquel Hermann et son fils aîné paraissent avoir perdu la vie.
Ce deuxième échec n’entrava pas la montée en puissance de la famille ; de nombreux autres territoires du Saulnois entrèrent dans leur patrimoine encore dans la première moitié du XIIe siècle, acquis sans doute à la faveur du mariage de Henri Ier, second fils de Hermann II, avec Adélaïde, héritière des comtes de Metz. Les comtes successeurs purent, par des alliances avec les principaux nobles du pays (dont les comtes de Bar et de Dabo) conserver et élargir plus pacifiquement leur domaine.

Les ruines du château de Pierre Percée vers 1755

Les ruines du château de Pierre Percée vers 1755

Salm–En–Vosges : Un Château Symbolique

HENRI III

Déjà propriétaire des Châteaux de Blâmont, Deneuvre, Viviers, Morhange et de Pierre Percée, Henri III éleva entre 1205 et 1225 un nouveau Château dans la vallée de la Bruche sur les terres de l’abbaye de Senones. Par cette construction, le comte Henri III affermi avec cette forteresse – sur la base solide que lui avait laissé son père Henri II (mort vers 1200) – une politique castrale ayant pour but d’asseoir son autorité au premier rang des principales familles nobles de Lorraine.
Cette nouvelle construction, réalisée sans le consentement ni l’approbation de l’abbaye de Senones, pourrait être interprété comme une expression de puissance et de volonté d’indépendance vis–à–vis de l’évêché de Metz comme du duc de Lorraine. Ainsi, et selon un principe en usage au Moyen Age, les grands féodaux tendent à étendre leur pouvoir en s’accaparant des biens et des droits régaliens des abbayes.
Les raisons de cette politique castrale peuvent aussi s’expliquer par le souci du pouvoir comtal de contrôler efficacement les ressources économiques du domaine abbatial. En effet, Henri III a probablement conçu sa forteresse aussi dans le but de dominer et de protéger les forges de Framont (Ferratus Mons) situées aux pieds de la montagne du Donon. Bien que l’exploitation des filons métallifères n’apparaisse formellement dans les textes qu’en 1261, il est vraisemblable qu’on y travaillait déjà vers 1200, ce qui constituait un cas nullement isolé en Lorraine pour la même période. Le comte Henri III semble donc vouloir utiliser à son seul profit les ressources minières locales. L’enjeu était de taille, car l’exploitation du fer (comme du sel) était de nature à assurer l’enrichissement notable des exploitants.
En ce début de XIIIe siècle, la famille paraît avoir jouis d’une aisance relative et c’est probablement dans ce contexte d’enrichissement et de pouvoir qu’elle songea un instant à faire jeu égal avec les prétendants à la couronne de Germanie à la faveur du bouleversement politique du grand interrègne. Le fils aîné et homonyme de Henri III s’apprêtait précisément, selon la chronique de Senones, à entrer dans cette voie quand il mourût dans des circonstances douteuses en laissant un fils encore jeune, le futur Henri IV.

Ruines du château de Salm vers 1755

Ruines du château de Salm vers 1755

HENRI IV

Devenu adulte, Henri IV poursuivit avec peu de succès les efforts de son grand père en réorganisant les salines de Morhange. N’ayant plus vraiment les moyens de sa politique industrielle, il se heurta à l’énergique et redoutable évêque Jacques de Metz bien décidé à réduire la puissance de la noblesse. Profitant d’une opportunité (endettement du comte), l’évêque investit militairement les installations métallurgiques de Framont en obligeant le comte à lui vendre ses Châteaux de Salm et de Pierre Percée, entre 1250 et 1258. D’après la chronique du moine Richer de Senones (vers 1258–1267), l’évêque se serait déplacé lui–même avec ses gardes pour passer la nuit à Salm, prenant symboliquement possession du Château. Le comte fut contraint de se reconnaître homme lige de l’évêque pour les deux forteresses avant de les reprendre en fief. Mais sitôt l’évêque décédé, le comte conclus avec l’abbaye en 1261 un contrat d’exploitation minière prévoyant la reprise des travaux et le partage des bénéfices. Ce contrat laissa aux comtes de Salm les mains libres pour développer et pour devenir progressivement les véritables propriétaires des forges.
Mais dès lors, si les comtes de Salm demeuraient de puissants nobles avec lesquels évêques et ducs devaient compter, ils ne pouvaient plus s’élever contre ces derniers mais bien leur rendre hommage. Le temps des comtes grands seigneurs et grands propriétaires terriens était révolu.
A la fin de l’été 1285, le comte Henri IV reçu au Château de Salm le trouvère Lorrain Jacques Bretel qui se rendait au Château de Chauvency où le comte de Chiny organisait un tournoi. Le trouvère écrivit à cette occasion un poème de 4590 vers intitulé « Le tournoi de Chauvency ». Son poème commence au Château de Salm avec la louange du comte son mécène qui l’accueillit avec égard et bienveillance.

MON LIVRE A FAIRE COMMENÇAI
TOUT DROIT A SAUMES AN AUSAI¹,
ENZ EL CHASTEL LE GENTIL CONTE
HENRI, CUI DIEZ DESTOUR DE HONTE,
ET DOIT DE VIE LONGUE ESPASSE,
CAR C’EST CIL QUI LES AUTRES PASSE
DE CORTOISIE ET DE LARGESCE,
DE FRANCHISE ET DE GENTILLESCE
GENTIL PROUDOME A EN SON CORS,
GRAND BIEN ME FAIT QUAND JE RECORS
DE LUI LES BIENS ET LES HONOURS,
CAR J’AIME DE CUER LES BONS SIGNORS.

¹ SALM EN ALSACE [ ! ]

DOCUMENT ORIGINAL CONSERVÉ À LA BODLEIAN LIBRARY À OXFORD, ANGLETERRE

Le tournoi de Chauvency - Jacques Bretel

Le tournoi de Chauvency – Jacques Bretel

Le vieux comte Henri et son Château ont donc l’honneur, grâce au ménestrel, d’entrer dans la littérature courtoise de la fin du XIIIe siècle.
Les comtes de Salm résident principalement à Badonviller mais aussi à Pierre Percée où ils restent en relation directe avec les affaires et la politique. Ils ne demeurent donc qu’à de brèves occasions dans leur burg éloigné de Salm qu’ils confient dès la fin du XIIIe siècle à des prévôts qui les représentent et qui y exercent la justice. En 1299, l’un d’eux se nommait Wiriat.

JEAN III

Le Château connaît encore une relative occupation tout au long du XIVe siècle sans doute plus intense encore lorsque Jean III acquiert le 23 novembre 1366 pour 12.000 florins d’or les possessions bruchoises de l’évêque de Strasbourg, Jean de Luxembourg–Ligny. La revente par lots de ses biens à des propriétaires différents, provoqua le déplacement et le recentrement de la politique des Salm dans le pays Lorrain et accélérèrent ainsi le déclin du rôle administratif et militaire de la place forte.

JEAN V

En 1410, les quarts des Châteaux de Salm et de Pierre Percée sont engagés par Jean V en faveur de Philippe de Norroy pour le remboursement d’une dette. Ce dernier cède l’engagère en 1416 pour 900 florins d’or à Henri seigneur de Blâmont et lointain cousin des comtes de Salm.
Ayant conservé encore un rôle économique passif (droit de garde exigé auprès des villageois des communautés environnantes), sans doute faiblement occupée encore vers la fin du XVe siècle, la forteresse ne fait plus l’objet de réparation de sorte qu’elle est citée en ruine en 1564.

LE COMTÉ DEVIENT PRINCIPAUTÉ

La première dynastie des Salm–en–Vosges s’éteignit en 1594 par la mort de Jean IX, sénéchal du duc de Lorraine. La famille accéda au rang de prince en 1623, à la suite de la conversion au catholicisme de Philipp Otto de Salm, comte Sauvage du Rhin. En 1647, le comté de Anholt en Westfalen entra dans les possessions familiales par le mariage de Léopold Philipp Carl de Salm avec Anna–Maria, l’héritière du comte de Anholt.

Portraits de Nicolas Léopold de Salm–Salm (1701–1770) et de Dorothé de Salm–Salm (1702–1751)
Collection particulière

A l’occasion de l’union en 1719 de deux branches cousines de la famille, la dynastie pris le nom de Salm–Salm. Puis, lors de la cessation de l’indivision territoriale et de la co–souveraineté du pays de Salm de 1751, Senones devient capitale de la principauté où un Château résidentiel est construit. S’étant géographiquement rapproché des ruines du Château de Salm, les princes Charles Alexandre et Guillaume Florentin éprouvèrent sans doute à cette occasion la nécessité de redécouvrir la forteresse de leurs aïeux. C’est ainsi qu’ils y parvinrent le 15 octobre 1779 en compagnie du prince de Hohenlohe–Schillingfürst, François Bronon–Hombourg, l’intendant de la Principauté, ainsi que les maîtres de forges de Framont. Le souvenir de leur visite a été gravé (texte français) dans la contrescarpe alors qu’un texte latin (aujourd’hui effacé) se trouvait sur le rocher sommital. La famille de Salm–Salm se réfugia à Anholt lors de l’annexion de la principauté de Salm–Salm par la République en 1793.

Inscription commémorative de la visite des princes de Salm-Salm en 1779

Inscription commémorative de la visite des princes de Salm-Salm en 1779

La ruine a été inscrite sur l’inventaire des Monuments Historiques le 6 décembre 1898 par l’administration allemande et a fait l’objet de travaux de consolidation. Mais elle fut malheureusement bombardée par l’artillerie française lors des combats de 1914 parce qu’il s’y trouvait un poste d’observation de l’armé Allemande (travaux et graffiti sur la contre escarpe : Engel, 1914).

LA VIE AU CHÂTEAU

♣ Les comtes de Salm paraissent y avoir effectués de courts séjours au XIIIe siècle ; ils le laissèrent aux mains de fonctionnaires subtitleernes qui en assurèrent la gestion.
♣ Passage du trouvère Jacques Bretel en 1285 reçu par le comte Henri IV.
♣ Intense occupation au XIVe siècle.
♣ Four de potier.
♣ Fonderie et forge à fer, raffinage de cuivre.
♣ Déclin de son rôle politique et militaire au XVe siècle. Il tombe lentement en ruine dès le début du XVIe siècle.

Généalogie Des Comtes De Salm, Du IXe Au XIVe Siècle

Généalogie Des Comtes De Salm, Du IXe Au XIVe Siècle

Généalogie Des Comtes De Salm, Du IXe Au XIVe Siècle

 

Bibliographie Sélective

CHARLES Jean, METZ Bernhard, WENGER Dominique, Remarques sur les ruines de Salm, Bulletin de l’Association pour la Sauvegarde de l’Architecture Médiévale (4), 1977.
CONDAMINE (Pierre de la), Salm en Vosges, nouvelle édition augmentée, Ed. du Palais Royal, Paris, 1974.
ERPELDING Danièle, Actes des princes lorrains, 1re série, Actes des comtes de Salm, Université de Nancy II, UER de Recherche Régionale, 1979.
LEYPOLD Denis, Contribution à la connaissance du château de Salm, données historiques et architecturales, L’Essor (139), 1988.
LEYPOLD Denis, Nouvelles données historiques sur la château de Salm : le point sur sa construction, L’Essor (151), 1991.
METZ Bernhard, Notes sur l’histoire du château de Salm, Remarques sur les ruines de Salm, Bulletin de l’Association pour la Sauvegarde de l’Architecture Médiévale (4), 1977.
PARISSE Michel, Les comtes de Salm et l’évêché de Metz, XIème-XIIème siècles, in : Histoire des terres de Salm, Société Philomatique Vosgienne, Saint Dié-des-Vosges, 1994.
VANNERUS Jules, Les comtes de Salm en Ardennes (1029-1415), Arlon, 1920.
BRIGNON Marc, La fin du château de Salm, Revue Lorraine (56), 1984.